Face aux nombre grandissant d’organisations de gauche et de gauche radicale appelant à faire barrage au Front National dans les urnes, nous avons ressenti le besoin de nous exprimer à ce sujet.
Pas une voix pour le FN. Pour le reste, le collectif Féministes Révolutionnaires ne souhaite pas donner de consigne de vote – ou d’abstention. Le capitalisme produit des situations dramatiques. Ce second tour n’en est qu’un exemple ; pour s’en extirper, ses institutions n’offrent aucune solution satisfaisante. C’est pourquoi nous sommes révolutionnaires : nous refusons de nous laisser définir par les seules options que nous laisse un système qui ne nous satisfait pas et d’accepter comme inéluctables ces dilemmes qui n’ont aucune issue favorable. On ne nous forcera pas à choisir.
En revanche, nous souhaitions partager les réflexions collectives suivantes sur la situation politique de l’entre deux tours.
I. Macron ou Le Pen, aucun·e des deux n’est hors-système !
Ces dernières semaines ont été entendus beaucoup de discours qui opposent les deux candidat·e·s sur les questions du racisme, du sexisme, des LGBTIQ+phobies, du libéralisme… En réalité, sur ces points, il et elle ne sont pas si éloigné·e·s. Beaucoup de discours visent à nous faire croire non seulement que c’est par les urnes qu’il faudra infliger une défaite majeure aux idées défendues par le Front National, mais également que le candidat Macron serait un rempart contre les dangers des politiques d’extrême-droite.
En réalité, toute une partie des idées portées par le Front National le sont aussi par Macron, ce dont nous avons tou.te.s pu nous apercevoir le temps de son passage au gouvernement Hollande. Pour nous, combattre ces idées et les politiques qu’elles entrainent ne passera pas par les urnes, en déléguant notre pouvoir de décision à des politicard.e.s déconnecté.e.s de nos vies. Organisons-nous, luttons, mettons-nous en grève et reprenons la rue, c’est la seule solution !
On nous dit que le Front National est raciste. Comme si Macron ne l’était pas !
Quand Macron défend le libéralisme économique, il défend le capitalisme : il défend un système d’organisation sociale qui repose avant tout sur la production de profits, profits qui bien évidemment ne sont pas répartis de façon égalitaire entre tous et toutes, mais sont conservés par une minorité. Ce système injuste ne peut fonctionner que grâce à un ensemble d’oppressions sur lesquelles il repose entièrement comme le sexisme et le racisme, tenant à l’écart des pouvoirs de décision les opprimé.e.s qui pourraient contrebalancer l’autorité arbitraire de ses dirigeants. Dans une société libérale, on ne peut que produire du racisme.
Pour faire prospérer une minorité riche et privilégiée, il faut des femmes et des minorités de genre qui travaillent gratuitement à la maison, il faut maintenir les salarié·e·s racisé·e·s dans une situation de précarité pour avoir à disposition des salarié.e.s mal payé.e.s, il faut de la répression policière dans les mouvements sociaux pour qu’ils ne s’étendent pas et dans les quartiers populaires pour que leurs habitant.e.s acceptent par la force des lieux de vie dégradés, et une présence policière anxiogène. Comme on le voit déjà avec les loi Macron I et II (assouplissement du travail le dimanche et de nuit, facilitation des licenciements massifs…) et la loi Travail (primauté des accords d’entreprise sur les accords de branches et le Code du Travail), la précarisation est plus violente pour les personnes les plus vulnérables : femmes , personnes LGBTIQ+, classes populaires, racisé.e.s, etc.
On nous dit que le Front National est sexiste et LGBTIQ+phobe. Comme si Macron ne l’était pas !
Que ce soit ses déclarations honteuses au sujet de la Manif Pour Tous, “humiliée” pendant les débat sur l’ouverture du mariage pour tou·te·s, ou sa mollesse à lutter contre les stéréotypes de genre à l’école (apparemment ça ne servirait à rien), nous refusons de voir en Macron un “défenseur” de la communauté LGBTIQ+ comme il l’affirme en couverture du magazine Garçon [http://s1.lprs1.fr/images/2017/04/2…]. La PMA ? Comme son prédécesseur, il joue le jeu d’une fausse procrastination en mettant cette décision sous la responsabilité d’un obscur comité d’éthique. Il ne propose rien pour pallier les insuffisances de la loi actuelle du mariage pour tou·te·s (nationalités exclues, PMA forcées à l’étranger, adoptions extrêmement compliquées…). Les droits des personnes trans ? Pour lui, il n’y a rien à améliorer ! Pourquoi faire plus, quand les concerné·e·s n’ont de toute façon pas voix au chapitre ? Comme il le dit si bien, “[notre] entre-soi [militant] rend toujours bête”.
Que promet Macron ? Des places à l’Assemblée Nationale pour des femmes qui se présenteraient sous la bannière de son mouvement ? car, selon lui, si les femmes ne sont pas aussi nombreuses que les hommes à l’Assemblée c’est uniquement parce qu’elles “s’auto-censurent” ! Mais bien sûr ! (https://www.youtube.com/watch?v=Z1u…) Inutile de rappeler qu’obtenir grâce à la bonne volonté de Monsieur des places à l’Assemblée ne ressemble en rien à notre définition du féminisme.
On nous dit que si on laisse passer l’extrême droite, il y aura des violences racistes, policières, des arrestations arbitraires et un démantèlement de la justice. Comme si cela n’existait pas déjà !
Au cours du mouvement contre la loi Travail, impossible de dénombrer les arrestations arbitraires : après les deux premiers mois de la mobilisation, le ministère de l’Intérieur annonçait déjà environ 1000 interpellations. À titre d’exemple, nous rappelons la situation révoltante de notre camarade trans Kara Wild, arrêtée sans preuve dans l’affaire d’une voiture de police brûlée lors d’une manifestation, injustement détenue dans une prison pour hommes depuis mai 2016 ! Nous rappelons l’acharnement judiciaire contre la famille Traoré, qui enferme Bagui après l’assassinat d’Adama par des policiers. Nous rappelons que malgré les scandales et les mises en examens, Fillon et Le Pen ont continué de faire campagne. Nous rappelons que le député écologiste Denis Baupin, après avoir été accusé de harcèlement sexuel par 14 femmes qui travaillaient autour de lui, n’est non seulement plus poursuivi, mais a en plus l’intention de porter plainte à son tour contre ses propres victimes ! (http://tempsreel.nouvelobs.com/soci…). Doit-on rappeller que les gouvernements successifs mènent depuis bien trop longtemps déjà des politiques qu’autrefois on disait d’extrême-droite ? (http://www.crepegeorgette.com/2014/…).
Et Macron continuera le travail : il a affirmé mercredi soir encore, lors du débat qui le mettait face à Marine Le Pen, vouloir accentuer “la surveillance” des militant.e.s après les “violences de black blocs contre les forces de l’ordre”.
On nous dit que dénoncer le racisme et le sexisme systémiques du néolibéralisme décomplexé de Macron, c’est ne pas voir l’immense danger de Le Pen. Comme si on ne le voyait pas !
N’oublions pas que le Front National est anti-social.
Il est clair que le FN est un parti d’extrême-droite qui défend des politiques d’extrême-droite, et cela sur tous les terrains. Il n’est pas simplement raciste, islamophobe et sexiste : ses politiques sont violemment libérales. Marine Le Pen propose une version alternative du capitalisme, qui se développerait en sortant de l’euro et en fermant les frontières… Ce que ça changerait ? À part dégrader encore plus la vie des migrant.e.s, des immigré.e.s et des classes ouvrières, quoi de neuf ? Elle aussi est pour “l’assouplissement du droit du travail” (i.e. la destruction du code du travail), la remise en cause des 35h, les attaques contre les syndicats – nos remparts collectifs contre la violence du marché du travail ! – le démantèlement de la sécurité sociale, générant encore plus d’inégalité dans l’accès aux soins… “Tout changer pour que tout reste pareil”, super, quel programme ! Le FN fait croire qu’il s’intéresse aux personnes les plus précaires, pourvu qu’elles soient blanches. Là encore, quel mensonge ! Ses quelques mandats en mairie, son absence totale d’expression contre la loi travail, et les votes de ses député.e.s et sénateurs, en France comme en Europe, montrent que le FN est en fait tout aussi néo-libéral que Macron. Et le néolibéralisme, c’est l’ennemi de toutes les populations pauvres.
N’oublions pas que le Front National est LGBTIQ+phobe.
Le FN, dernièrement, est parvenu à se présenter comme défenseur des droits LGBTIQ+, avec un certain succès : les hommes gays voteraient à 19,2 % pour Marine Le Pen (en 2ème position derrière Macron, comme pour l’ensemble des votant·e·s). Pourtant, elle est pour l’abrogation du mariage pour tou.te.s, s’oppose à toute forme d’éducation et de politiques publiques sur l’égalité des genres, est contre l’ouverture de la PMA pour les couples de même sexe, n’a pas un mot sur le VIH et, on s’en doute, pas un mot non plus sur les personnes trans et intersexes, pourtant victimes de violences impensables et quotidiennes. Le nationalisme se cuisine malheureusement à toutes les sauces, et l’homonationalisme n’en est qu’une des recettes empoisonnées.
N’oublions pas que le Front National est sexiste.
Marine le Pen est certes une femme et une candidate à la présidentielle, mais féministe, elle ne l’est pas ! Au Parlement européen, Marine Le Pen a systématiquement voté contre toutes les lois qui auraient permis, même de la plus infime façon, d’améliorer la condition des femmes. Par exemple, elle n’a pas voté au mois de mars la résolution annuelle sur “l’égalité entre les femmes et les hommes” car celle-ci contenait des “références au droit à l’avortement, aux droits des personnes LGBTQ ou à l’éducation contre les stéréotypes de genre”. [http://www.rtl.fr/girls/identites/m…] Sur les 144 engagements de son programmes, les femmes ont droit à 3 lignes, et, ces dernières années, ne lui ont servi que de caution et d’excuse pour pousser encore un peu plus loin son idéologie islamophobe : une instrumentalisation de plus de nos corps, apparemment condamnés à être éternellement trop ou pas assez couverts.
Notre liberté est celle qui correspond à nos choix, pas à une prétendue idée de ce que doit être La Femme Française Et Libérée selon Marine Le Pen.
N’oublions pas que le Front National est raciste.
Ce programme “féministe” du FN, c’est de faire croire que fermer les frontières et bouter tou.te.s les musulman.e.s hors de France feraient, comme par magie, disparaitre les inégalités et violences subies par les femmes, les minorités de genre et les minorités sexuelles. Breaking news : les migrant.e.s et les musulman.e.s sont aussi des femmes et des LGBTI+ ! Ces personnes subissent, de façon même encore plus intenses du fait du croisement des oppressions dont ils et elles sont la cible, le sexisme et les LGBTIphobies ! Le renforcement des politiques nationalistes déjà existantes n’aura qu’un effet : les mettre encore plus en danger. Dans une société capitaliste au sexisme si ancré qu’il se compte en siècles, ce n’est pas fermer les frontières qui mettra fin à l’oppression.
Enfin, et surtout, nous refusons que notre émancipation se fasse au prix de l’exploitation et de l’oppression d’autrui. Ne plus avoir les tâches domestiques à faire à la maison, mais sous-payer une femme migrante sans-papier pour le faire pour nous ? Devons-nous faire passer l’émancipation des unes avant celle des autres ?
Les politiques impérialistes ? Ce sera sans nous !
À une échelle plus large, le capitalisme porté par ces candidat·e·s s’appuie sur la relation coloniale que la France entretient avec les Antilles, la Réunion, la Guyane et les autres territoires dits d’outre-mer, ainsi que sur la domination qu’elle exerce sur des pays plus pauvres. Cette domination prend des formes économiques et militaires, et cette ingérence est bien trop souvent justifiée par l’instrumentalisation des luttes féministes et LGBTIQ+. Ainsi, après le massacre d’Orlando, la France a justifié son intervention en Afrique et au Moyen-Orient par la “lutte contre le terrorisme qui vise les LGBTIQ+”, et le “merveilleux mode de vie de l’Occident”.
Cette logique de “guerre de civilisation”, mobilisée pour justifier des exactions commises en fait pour le profit capitaliste, se produit également sur le territoire français, à travers la “guerre culturelle” contre les musulman.e.s et les immigré.e.s. Nous refusons de prêter notre nom au prolongement des oppressions. Ces mensonges, ces beaux prétextes : ce sera sans nous !
II. Organisons les luttes à venir !
Ce système capitaliste dans lequel nous vivons depuis bien trop longtemps génère des inégalités à des niveaux si variés (classe sociale, genre, race, santé, âge…) que nous sommes une majorité à avoir intérêt à le faire changer : renverser ce système, c’est renverser chaque niveau d’oppression. En tant que féministes, nous avons notre part de responsabilité à prendre. Cela ne viendra pas de nos institutions, mais uniquement de nous. C’est nous qui avons l’avantage du nombre, et nous qui avons l’avantage d’être celles et ceux qui, par notre force de travail et d’imagination, faisons réellement tourner cette société. Servons-nous en !
Quel que soit le résultat de l’élection, ce ne sont pas ces deux candidat.e.s qui lutteront pour nous : il va falloir se battre !
- Qui mettra fin aux inégalités salariales ? Ni Le Pen, ni Macron.
- Qui ne volera pas, et ne spéculera pas avec l’argent de nos cotisations ? Ni Le Pen, ni Macron.
- Qui luttera contre le harcèlement de rue et les violences conjugales ? Ni Le Pen, ni Macron.
- Qui autorisera la PMA ? Ni Le Pen, ni Macron.
- Qui fera enfin avancer les droits des personnes trans ? Ni Le Pen, ni Macron.
- Qui pourra endiguer l’escalade des violences policières ? Ni Le Pen, ni Macron.
Après quatre mois de lutte dans les rues pendant le mouvement contre la loi Travail l’an passé, nous ne nous résoudrons pas à appeler à voter pour Macron. En revanche, nous appelons à un rassemblement des forces féministes, LGBTIQ+, antiracistes, ouvrières, anticapitalistes, pour mener la lutte que nous promet d’ores et déjà le quinquennat à venir.