Depuis le 25 septembre, plusieurs dizaines de femmes de chambre, de gouvernantes et de personnel·le·s du palace parisien Park Hyatt Paris-Vendôme, situé rue de la Paix, sont en grève pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de travail. Une grande majorité de femmes, principalement issues de l’immigration, mènent une lutte remarquable contre une direction patronale très dure. Mardi 18 décembre, nous leur avons rendu visite sur leur piquet de grève pour apporter notre contribution de quelques centaines d’euros à leur caisse de solidarité ; l’occasion pour nous d’échanger avec les grévistes. Nous avons rencontré Nora, déléguée syndicale de la CGT-Hôtels de Prestige et Économiques (CGT-HPE) et femme de chambre en sous-traitance pour la société STN.
Une grève qui dure
La ténacité des grévistes du Park Hyatt est inspirante. Cela fait 86 jours que le conflit a commencé, et même si une 9 personnes ont choisi de reprendre le travail suite aux pressions de la direction, 41 salarié.e.s sont toujours dans la bataille. Après des attaques de la sécurité privée de l’hôtel et des forces de police sur le piquet, des grévistes ont du être hospitalisé. Malgré cette répression aussi musclée que scandaleuse, les femmes de chambre et leurs collègues résistent. Elles savent qu’elles ont les armes pour gagner.
« Quand il y a le rapport de force et que les gens se battent, le patron n’a plus le choix », explique Nora. Les grévistes n’en sont pas à leur première lutte. Certaines ont déjà grévé, en 2014 et 2015. En 2017, une simple feuille de revendications leur a permis de gagner de nouveaux acquis tant la direction craignait une nouvelle grève !
Mais une grève qui dure, c’est aussi une grève qui doit faire face, un peu plus chaque jour, aux difficultés financières. En octobre et en décembre, les caisses syndicales, et en particulier celle de la CGT-HPE, ont permis de payer l’ensemble des grévistes, même si leur salaire était largement diminué. Mais pour le mois de décembre, elles sont contraintes de multiplier les collectes, repas de soutien et appels à la solidarité[1]. Pour l’instant, l’argent récolté ne permet, selon Nora, que d’acheter un petit cadeau à ses enfants pour Noël, et rien d’autre (environ 60€ par gréviste). C’est pourquoi les grévistes comptent sur le versement de leur prime de fin d’année par l’hôtel, qui équivaut au montant de leur salaire. Mais la direction essaie de la supprimer alors qu’elle leur est intégralement due selon l’accord d’entreprise ! Une nouvelle attaque contre le droit de grève, une nouvelle façon de réprimer des gens qui se battent pour leurs droits !
« On bosse, on veut être récompensé.es pour notre travail »
Dormir au Park Hyatt Paris-Vendôme peut coûter jusqu’à 18 000€ la nuit. La chambre la moins chère est à 1 500€, soit l’équivalent du salaire mensuel des salarié.es du nettoyage. En 2017, le palace a enregistré des bénéfices à hauteur de 8 million d’euros… De l’argent, il y en a, mais pas pour les travailleur/ses !
Les grévistes de l’hôtel revendiquent une augmentation des salaires payés avec l’argent du patron. Quand on discute des annonces de Macron sur la « hausse du SMIC », Nora raille. « Nous on ne veut pas des aides, on ne veut pas de l’argent de la CAF, de l’argent public. On bosse, on veut être récompensé.es pour notre travail. Avec l’argent du patron ! »
C’est cette lutte pour la reconnaissance du travail effectué au quotidien qui anime les femmes de chambres. Elles qui chaque jour, lavent, frottent, nettoient, elles qui s’abîment les mains, le dos, les genoux, elles demandent le respect, la dignité, des conditions de travail justes. Rien de plus normal mais dans ce monde injuste et violent, cela demande de la détermination, de la coordonation et du courage ! Bravo à elles et eux !
Ouverture des négociations
Vendredi 21 décembre, les représentant.es des grévistes s’assoiront à la table des négociations avec la direction de l’hôtel. Pour Nora, le patron serait prêt à lâcher sur de nombreuses revendications : augmentation des salaires, alignement des avantages des travailleur.euses en sous-traitance et du personnel interne, délégué.es de proximité… Mais l’internalisation des salarié.es en sous-traitance semble poser problème à une direction qui prétexte la complexité d’un telle procédure. « Peut-être que si plus de travailleur.euses internes avait été en grève avec nous… » avance Nora, « le rapport de force aurait été différent ».
Il y a néanmoins fort à parier que les grévistes sortiront du conflit par le haut, avec de nouveaux acquis. De quoi renforcer la confiance des travailleur.euses dans leur propre action collective, dans la force de la solidarité et de l’auto-organisation et dans l’outil privilégié à leur disposition pour arracher de nouveaux droits : la grève.
Rendez-vous à 13h, vendredi 21 décembre, devant le Park Hyatt Paris-Vendôme, pour le verdict des négociations ! Soyons nombreux.ses à les soutenir !
[1] : lien de la caisse de grève : https://www.lepotcommun.fr/pot/1vpwil8t