Un peu partout en France en ce moment, les Gilets Jaunes se mobilisent contre la hausse du prix du carburant et l’augmentation constante du coût de la vie. Il est de plus en plus difficile de joindre les deux bouts, d’avoir une vie digne, de pouvoir garantir des conditions de vie décentes à ses enfants et aux retraité·e·s ou personnes invalides. Nous sommes de plus en plus à être touché·es par la précarité ou à voir nos proches la subir, à devoir faire des distances toujours plus importantes en voiture pour un travail alimentaire, et à devoir mettre toujours plus d’argent dans l’outil qui nous permet tout juste de gagner de quoi survivre. Dans le même temps, les réglementations et taxes sur les voitures augmentent sans cesse, et l’offre de transport en commun (dont le ferroviaire), déjà réduite à peau de chagrin, est mise en danger par les politiques de privatisation et de mise en concurrence.
Face à notre colère, le gouvernement a eu pour seule réponse le mépris et la violence. L’État français, historiquement très militarisé, prompt aux interventions sur le sol de ses colonies et anciennes colonies pour y maintenir ses intérêts, ne cesse ces dernières années d’aller à l’escalade dans la violence et d’étendre les cibles de cette violence : d’abord contre les quartiers populaires, puis les mouvements sociaux, et aujourd’hui contre les Gilets Jaunes, les lycéen·ne·s et les étudiant·e·s. On ne peut qu’être effaré·e·s par le nombre de blessé·e·s, de blessé·e·s graves et même de mort·e·s dans notre camp depuis le début de la mobilisation.
L’agenda social, pendant cette période, est très chargé. Les attaques du gouvernement se multiplient dans tous les secteurs et autant de tentatives pour s’organiser et pour y répondre émergent dans nos milieux. Des salarié·e·s se mettent en grève, rejoints par de plus en plus de lycéen·ne·s et d’étudiant·e·s qui se lancent dans la bagarre contre les attaques que ne cesse de subir l’éducation : sélection à l’entrée des facs, réformes du bac, mise en concurrence des lycées, et maintenant la hausse raciste des frais d’inscription pour les étudiant.es étrangèr·e·s hors Union Européenne en licence, master et doctorat. La marche #NousToutes / #NousAussi du 24 novembre contre les violences sexistes et sexuelles signe le renouveau du mouvement féministe français. Les mobilisations antiracistes s’intensifient et se structurent au niveau national, notamment avec l’initiative du collectif Rosa Parks et du collectif Adama. Et les Gilets Jaunes continuent de manifester au quotidien.
En tant que Féministes révolutionnaires, nous voulons nous inscrire à la fois dans la lutte contre le coût de la vie et dans la continuité du 24 novembre. Nous avons fait, ensemble, la démonstration et l’expérience de notre capacité à descendre nombreux·ses dans la rue. La question qui se pose donc à nous aujourd’hui, c’est comment s’appuyer sur cette capacité pour construire la mobilisation féministe en France, en lien à la fois avec les mouvements de femmes et minorités de genre de plus en plus nombreux et offensifs à l’échelle internationale et avec le mouvement des Gilets Jaunes.
Tout comme d’autres avant nous, nous appelons à une convergence des mouvements des Gilets Jaunes et des mouvements féministes, des mouvements antiracistes ainsi que des mouvements écologiques avec la Marche pour le Climat ce samedi 8 décembre.
Converger ne veut pas dire se dissoudre dans un tout. Converger veut dire descendre dans la rue en tant que féministes auprès des Gilets Jaunes, en articulant nos revendications à ce mouvement et en construisant la mobilisation. C’est aussi chercher à convaincre les Gilets Jaunes de prendre en charge nos revendications dans leur mouvement et de descendre avec nous dans la rue lors des mobilisations féministes.
La violence sexiste ou LGBTI-phobe que nous subissons n’est pas déconnectée des violences économiques ou racistes que nous subissons. Au contraires : elles sont entièrement liées : ce n’est pas un hasard social si les grévistes de l’Hotel Park Hyatt Vendôme sont en majorité des femmes pauvres et racisées. S’il faut construire des luttes sur des revendications spécifiques, il faut aussi articuler ses luttes dans un mouvement général, sans quoi nul espoir de changer quoique ce soit n’est permis.
L’augmentation du coût de la vie et la casse des services publics touche aussi et surtout les femmes et minorités de genre, à la fois plus précaires et plus souvent en charge d’amener les enfants à l’école ou à l’hôpital. Les féministes (http://revueperiode.net/comprendre-la-violence-sexiste-a-lere-du-neoliberalisme/) ont analysé l’augmentation à l’échelle mondiale des violences contre les femmes et minorités de genre depuis la crise de 2008, comme une conséquence de cette violence économique qui touche tous les foyers, et qui depuis, génère des crises dans la sphère familiale, des féminicides, poussent des femmes et des familles à la rue ou forcent des femmes et minorités de genre à accepter des emplois et/ou des conditions de travail dans lesquels nous nous faisons humilier, harceler ou violer par notre hiérarchie. La perte d’autonomie financière met aussi directement en danger des millions de LGBTQI*, pour qui la survie peut alors devenir synonyme de dépendance à des personnes violemment homophobes, transphobes etc. Le repli sur les structures familiales comme lieu de survie contribue de plus à renforcer le modèle familial hétéro-patriarcal, lieu privilégié des violences sexistes et sexuelles.
Face à ces attaques, nous devons avancer nos revendications:
– baisse globales de toutes les taxes indirectes et injustes, comme par exemple la TVA pour laquelle les pauvres paient autant que les riches
– fin des temps partiels imposés aux femmes, et égalité salariale immédiate
– prise en charge gratuite et efficace par la société des soins aux enfants, personnes âgé·e·s et invalides
– ouverture de foyers gratuits pour les victimes de violences de genre, pour des séjours de très court à long terme
– éducation au genre dès la petite enfance et ce jusqu’à la fin de sa vie
– accès gratuit et partout aux droits reproductifs et à la contraception : des préservatifs à l’avortement, et de la PREP à la PMA pour tou·te·s – ce qui implique plus de moyens pour les hôpitaux publics
Nous les opposons fermement au programme et aux méthodes de l’extrême droite qui tente de se saisir du mouvement, et qu’il nous faut combattre en son sein par tous les moyens.
Nous défendons l’auto–organisation en assemblées générales comme le meilleur moyen de garantir la démocratie de la lutte et de nous structurer pour faire plier le gouvernement. Nous défendons l’organisation de réunions et assemblées générales en non-mixité comme moyen d’organisation des femmes, minorités de genre et personnes racisées en son sein, pour construire le mouvement en luttant contre le sexisme et le racisme. Nous pensons la non-mixité comme un outil pour discuter des questions qui nous concernent centralement, oser prendre la parole entre nous et nous donner des forces pour ensuite porter nos revendications en assemblées générales mixtes.