Communiqué des Féministes révolutionnaires Paris avant le deuxième tour des élections présidentielles 2022
Ce dimanche se tiendra le deuxième tour des élections présidentielles, qui opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen. L’extrême droite est une nouvelle fois aux portes du pouvoir, cumulant 30% des votes du premier tour à elle seule. Le Pen et Zemmour, à deux, se sont attiré les votes de 11 millions de personnes, soit davantage qu’en 2017. Malgré des scores importants de Mélenchon, notamment dans les quartiers populaires et les départements ultramarins, la gauche réformiste n’a pas réussi à mobiliser suffisamment autour de son programme, en raison notamment de son refus de se structurer de façon durable et démocratique en parti implanté sur le territoire. Par ailleurs, le fort taux d’abstention (26,31%) témoigne d’une baisse de confiance grandissante dans les institutions et dans le processus électoral.
Pas une voix pour Le Pen.
La campagne de Zemmour et son omniprésence dans les médias n’auront fait que contribuer à banaliser et à diffuser encore davantage les idées fascistes qui imprégnaient déjà le débat public. Le Pen, devenue par contraste une figure faussement « raisonnable », essaie de séduire les classes les plus pauvres : elle nous parle de « justice sociale », elle fait campagne sur le « pouvoir d’achat »… Elle essaye même de se faire passer pour féministe, en mettant en titre de sa profession de foi et de ses affiches « Femme d’état ». Mais sous ce vernis social mensonger, c’est bien du même projet de société réactionnaire dont il s’agit. Selon son programme, Le Pen au pouvoir, ce n’est pas seulement un discours réactionnaire amplifié : pour les travailleur·ses, les personnes racisées, les musulman·es, les femmes, les personnes LGBTI, les migrant·es, etc., pour toutes ces populations déjà opprimées, discriminées et exploitées, c’est la privation de tous leurs droits : réservation des aides sociales aux français, arrêt du regroupement familial, fin du droit du sol, demandes d’asile seulement depuis l’étranger, présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre, politique nataliste, interdiction du port du voile dans l’espace public… C’est aussi la légitimation et l’assurance donnée aux groupuscules fascistes actuels d’agir selon leurs termes. C’est, enfin, une volonté assumée de se rapprocher des autres Etats gouvernés par l’extrême droite, à l’image de la Hongrie autoritaire d’Orbán.
Quant à celles et ceux qui seraient tenté·es par un vote Le Pen au second tour, défendant l’idée d’un vote contestataire, d’un vote « anti-Macron », invoquant un accelérationnisme qui nous précipiterait plus vite au « grand soir », voire estimant qu’elle ne pourra pas gouverner si elle n’a pas la majorité parlementaire (comme si nous avions l’assurance que l’extrême-droite respectait notre déjà très glorieuse démocratie), notre réponse est intraitable : pas une voix pour la candidate fasciste Marine Le Pen, pas une voix pour un parti fondé par des anciens nazis et par des collabos dont la ligne, comme son programme le montre si bien, demeure celle de l’extrême-droite.
Macron, un tremplin pour l’extrême-droite.
De l’autre côté, l’argument du vote « barrage » convainc de moins en moins. La politique antisociale menée par le gouvernement Macron ces cinq dernières années, l’utilisation délibérée de termes et concepts théorisés par l’extrême droite (« islamogauchisme » , « wokisme »…), le discours raciste et islamophobe décomplexé, le matraquage des manifestant·es et la répression policière n’ont fait que renforcer et légitimer l’extrême droite dans le discours public. Plutôt qu’un barrage, c’était un véritable tremplin. Et Macron ne se donne même pas la peine de redorer son image, il nous annonce déjà la couleur : retraite à 65 ans, RSA accordé en échange de quinze heures de travail par semaine, interdiction de parler de questions LGBTI à l’école, etc. Ce seront aussi cinq années en plus de destructions des services publics et de notre modèle social.
Ne nous y trompons pas : il n’y a aucune équivalence possible entre la droite extrême de Macron et l’extrême droite de Le Pen. Pour autant, face à chacune des deux issues possibles aux élections de dimanche, notre choix doit être le même : celui de la solidarité et de la lutte, car le combat sera rude et ni l’ultralibéralisme ni le fascisme ne pourront être arrêtés par la voie électorale.
L’organisation, notre force.
Face à la démoralisation de ce second tour et aux peurs justifiées de voir l’extrême droite arriver au pouvoir, il est essentiel de rappeler que le vote aux présidentielles ou aux législatives n’est qu’une parodie de démocratie. Comme on le dit souvent dans les mouvements sociaux : la vraie démocratie, elle est ici, là où chacun·e s’approprie vraiment la politique, et là où il est possible de décider collectivement de comment on va vivre. De la même façon, notre pouvoir ne se limitera jamais au élections ! À nos yeux, la réponse à cette situation inextricable viendra de notre capacité de lutte et de la construction collective d’un mouvement organisé et unitaire. L’urgence est à la construction de résistances solidaires, locales et nationale, en investissant massivement les structures et les organisations qui luttent déjà pour la défense des opprimé·es et des exploité·es. Syndicats, organisations de quartiers, partis politiques mais aussi collectifs féministes, antiracistes, LGBTI, antifascistes… sont les outils que nous devons mobiliser et continuer à développer et à renforcer au cours des années qui viennent. Partout où nous intervenons, nous devons défendre la convergence des luttes.
La seule solution pour mettre véritablement fin à la progression de l’extrême droite et de ses idées, c’est une mobilisation sociale d’ampleur qui bouleverse en profondeur la situation. Un nouveau juin 36, un nouveau mai 68, une nouvelle vague féministe, qui nous permette de reconstruire des fronts larges, pour nous défendre, mais aussi pour riposter.
Les blocages et les AG des facs et des lycées et les manifestations du samedi 16 contre l’extrême droite dans de nombreuses villes nous montrent que si le chemin semble fastidieux, les mobilisations ont déjà commencé.
Organisons-nous ! Continuons le combat !