Affaire Pelicot : contre le viol et toutes les violences sexuelles, révolution féministe !

Il y a de l’horreur, mais pas de surprise. L’affaire des viols de Mazan choque dans plusieurs de ses aspects : l’échelle, on voudrait dire la démesure du nombre – est-ce qu’il y a une mesure du viol ? –, l’ampleur de la trahison. Gisèle a été violée par plusieurs dizaines d’hommes après avoir été droguée par son mari, pendant neuf ans. Les violeurs étaient recrutés par lui, les viols organisés par lui. Ils ont été commis chez elle, dans sa chambre, par des inconnus et par des membres de son entourage.

Beaucoup des hommes recrutés par Dominique Pelicot affirment avoir « cru participer à un jeu » auquel Gisèle aurait consenti, alors même que les modalités des viols montrent bien que ce n’était pas le cas : ne pas laisser de trace, ne pas la réveiller… Tout se passe comme si le mari avait le pouvoir de remplacer le consentement de sa femme par le sien. Sous le patriarcat, la parole d’un homme a une valeur plus élevée que le consentement d’une femme.

On cherche souvent à dépeindre le violeur comme un être marginal, un monstre, qui n’appartiendrait pas au monde des « hommes normaux ». Ce n’est, bien entendu, qu’une protection du statu quo patriarcal. C’est le même raisonnement raciste qui affirme que les femmes seraient moins en sécurité dans les banlieues ou en présence d’hommes racisés que dans des quartiers bourgeois bien sous tous rapports. La réalité apparaît dans les chiffres terribles de l’affaire Mazan : le violeur, c’est n’importe qui. Le boulanger, le banquier, le flic, le voisin attentionné, le père aimant, le mari depuis quarante ans.

Pour prendre la mesure de ce que sont les violences sexuelles et pour lutter contre elles, il faut admettre que le viol ne se limite pas à une agression dans une ruelle sombre par un inconnu armé. Selon une étude de 2022, dans 91% des cas de violences sexuelles, les victimes connaissent leur agresseur. Dans 45% des cas, il s’agit de leur conjoint ou ex-conjoint. L’omniprésence du patriarcat et des violences sexuelles ne s’arrête pas aux portes du foyer ; au contraire, c’en est un des plus importants vecteurs.

L’horreur révélée par cette affaire met en lumière ce que la structure du couple nucléaire hétérosexuel permet de pire, dans ses aspects les plus extrêmes. C’est bien dans cette cellule du foyer hétérosexuel, autour duquel est organisé toute notre société, que se trouve l’un des noyaux de l’oppression patriarcale. Cette oppression se manifeste tant sur le plan économique (on sait que, encore aujourd’hui, nombre de femmes victimes de violences restent à cause de leur dépendance économique à leur bourreau) que sur le plan sexuel.  Si ces hommes ont considéré que l’accord du mari valait pour celui de sa femme, c’est parce qu’aujourd’hui encore, l’activité sexuelle des femmes dans le couple hétérosexuel est considérée comme un devoir. La mention de la présomption de consentement entre époux n’a été supprimée du Code pénal qu’en 2010 ; l’activité sexuelle est quant à elle encore considérée en droit comme un « devoir du mariage », et son absence constitue encore un motif de divorce pour faute. 

Si, sous le régime économique du capitalisme, cette notion de devoir conjugal a perduré, c’est parce qu’elle permet de contribuer à sa bonne marche : aux femmes, la reproduction de la force de travail qui permet de faire tourner le système. Donner naissance à des enfants, les élever, prendre soin d’eux et d’un compagnon, s’assurer chaque soir que tout ce petit monde est apte à aller travailler au matin.

Mais ce modèle, même s’il est profondément enraciné, n’est pas immuable. La dénonciation des violences sexuelles, comme celles révélées dans l’affaire de Mazan, ne doit pas se contenter d’une condamnation individuelle des agresseurs. C’est une remise en cause du système et de ses mécanismes de domination qu’il faut envisager. Lutter contre les violences sexuelles, c’est aussi s’attaquer aux racines mêmes du capitalisme. Le capitalisme ne se contente pas de tolérer le patriarcat : il en dépend pour assurer sa survie. Briser cette chaîne exige non seulement de redéfinir le couple et le mariage, de déconstruire ce régime où le consentement des femmes est systématiquement ignoré, remplacé ou minimisé, mais aussi de démanteler l’infrastructure capitaliste qui légitime l’exploitation des corps et des vies. 

Notre mobilisation doit être exemplaire : non seulement pour témoigner de notre solidarité envers Gisèle et envers toutes les victimes de viol et de violences sexistes, mais aussi parce que sept ans après le début du mouvement #MeToo, l’indignation a enflé, mais rien n’a changé.

Nous voulons une hausse de tous les revenus pour sortir de la précarité économique qui expose les femmes et les minorités de genre aux violences. Salaires, bourses, pensions de retraites, allocations : des vies dignes pour toutes et tous. Nous voulons l’ouverture de toutes les places d’hébergement d’urgence nécessaires à la prise en charge des victimes qui décideraient de fuir un foyer violent (40 000 places d’hébergement selon le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes). Nous voulons des investissements massifs dans les services publics, notamment dans l’éducation et la santé, pour prévenir les violences avant qu’elles ne se produisent. Nous voulons garantir aux victimes de violences sur le lieu de travail le droit à la réduction ou la réorganisation du temps de travail, à la mutation, mais aussi et surtout à la démission sans préavis avec substitut de salaire. Nous voulons subventionner massivement les associations féministes de prévention et d’accompagnement des victimes.

Nous voulons tout cela et beaucoup plus. Nous voulons l’éradication du viol. Nous voulons la fin du patriarcat. Nous voulons la révolution.

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