À propos de la grâce de Jacqueline Sauvage

Marion, une camarade intermittente du collectif, a écrit ce texte à propos de  la grâce de Jacqueline Sauvage !
À partager sans modération !

 


ET SI « FAIRE PREUVE D ‘ HUMANITÉ » SIGNIFIAIT « SAISIR UNE BELLE OPPORTUNITÉ » ?

Ce jeudi 28 décembre, Jacqueline Sauvage a été libérée de prison suite à une grâce présidentielle. Elle avait été condamnée à 10 ans de prison pour homicide volontaire sans préméditation. Le 10 septembre 2012, elle tire sur son mari avec un fusil de chasse, provoquant sa mort. Elle se défendait face à son agresseur qui exerçait des violences sur elles depuis plusieurs décennies. Plus jeunes, ses trois filles avaient aussi été l’objet de violences et de viols.

Trop tard, François Hollande pour … jouer au monarque éclairé : tu as fait jouer la grâce présidentielle mais ce n’est ni par la grâce de Dieu ni par celle de ta pensée; la nécessité de gracier cette femme, on te l’a soufflé.
Trop tard, François Hollande pour … jouer au Père Noël : on est le 28 décembre ! hé, le réveillon, Noël, le petit Jésus, la fête pour retrouver sa famille, c’est déjà passé !
Trop tard, François Hollande pour … faire preuve d’humanité : le faire une première fois à moitié et recommencer, quand ça sent le sapin, à la fin de l’année, ça s’appelle… saisir une belle opportunité.

 

À QUI AURA LA PLUS GROSSE HUMANITÉ

Le 31 janvier dernier, François Hollande accorde une grâce partielle à Jacqueline Sauvage, ce qui lui permet de demander la liberté conditionnelle plus tôt que prévu. La grâce présidentielle, ce résidu d’Ancien Régime qui ne veut pas dire son nom, frise la litote* en se disant « partiel » pour ne pas entraver « les décisions de justice et l’indépendance des magistrats ». M’sieur Hollande ne voudrait pas piétiner la séparation des pouvoirs. On nage en pleine délicatesse. Un petit peu d’Ancien Régime par-ci, un petit peu de constitution par là, et on pense obtenir une décision juste et éclairée. Que nenni marquis.
Il s’agit là d’un joli foutage de gueule doublé d’un manque, j’ose le dire, d’humanité. On appellera cette tactique : « joindre les deux bouts ». Euh, pardon : « ménager la chèvre et le chou ». Nous ne sommes pas spécistes !

Il s’agit là d’un joli foutage de gueule doublé d’un manque, j’ose le dire, d’humanité. On appellera cette tactique : « joindre les deux bouts ». Euh, pardon : « ménager la chèvre et le chou ». Nous ne sommes pas spécistes !

Grands dieux, un foutage de gueule ? Oui, mamie. Voici pourquoi avec : la revue d’humanité des socialistes. Attention, c’est participatif, comme notre démocratie.

Outre que nous sommes heureuses d’apprendre que Manuel Valls mène le combat contre les violences faites aux femmes, présenter ça comme une « décision humaine » après une timide tentative qui a foiré c’est du … !

* Attaque gratuite : et le 49.3, c’était quoi ? Pour concourir au Prix Nobel ? *

Répondre à un appel désespéré par un droit monarchique, ce n’est pas une « décision courageuse », c’est du … !

Que cette décision soit le dernier recours pour échapper à une justice sexiste et ne pas saluer ça d’un : « geste d’une grande humanité », c’est du … !

Je le redis, faire jouer un droit réactionnaire, le faire jouer en demi-teinte pour l’atténuer et laisser son indépendance à une justice sexiste, tout ça pour rassembler le peuple français, sans non plus réhabiliter une femme battue, et sans vraiment s’attaquer au coeur (politique) du problème, c’est-à-dire les violences faites aux femmes et la culture du viol, c’est du… !
Non, je vous ai eu.
C’est du … beau boulot !

PENDANT CE TEMPS-LÀ DANS LE PAYS DES DROITS DE L’HOMME

La justice rendait justice …

La demande de libération conditionnelle faite par Jacqueline Sauvage après la grâce partielle du Président avait été rejetée en première instance, puis en appel. « La cour d’appel de Paris avait notamment estimé que la réflexion de Jacqueline Sauvage demeurait « pauvre et limitée puisqu’elle pein[ait] encore » à accéder à un « authentique sentiment de culpabilité ». »

La réaction réactionnait…
Philippe Bilger, ancien avocat général auprès de la Cour d’appel de Paris, retraité, fondateur de l’Institut de la parole :
« Je ne suis pas un monstre. J’ai un cœur comme tout le monde. La vie de JS n’a pas été belle avec un mari dont elle était amoureuse et qui lui a fait subir des violences constantes. Un soir, elle l’a abattu de trois balles dans le dos. Était-elle pourtant cette faible femme ? Incapable d’aller déposer plainte alors que ses filles avaient été violées mais poursuivant une maîtresse de son époux avec une arme ? En en faisant une icône de la cause des femmes, on s’est mépris. Il en est d’autres qui auraient mérité davantage cet hommage douloureux. À son sujet, « l’idéologie victimaire » et un féminisme plus militant que convaincant ont fait des dégâts. »
Et de persévérer :

“Ceux qui savent ont jugé. Ceux qui jugent les juges ne savent rien.”

Et Céline Parisot (secrétaire générale de l’Union syndicale des magistrats (USM) de rappeler que Jacqueline Sauvage a “été condamnée au nom du peuple et par le peuple français.

… Et pendant ce temps-là, durant l’année 2016, 134 femmes mouraient en France, sous les coups de leur conjoint.


134 FEMMES OU COMMENT FRANÇOIS HOLLANDE PREND DES DÉCISIONS HUMAINES

Tout le monde connaît l’histoire de cette femme qui a certes été condamnée, mais qui aussi été victime de violences toute sa vie. C’est d’ailleurs justement pour cela que le droit de grâce existe: pour apprécier les situations humaines exceptionnelles. François Hollande <3

Non, François, non.
Pourquoi la situation de Jacqueline Sauvage n’est pas une situation humaine exceptionnelle ?

« Selon les données de la Banque mondiale, le viol et la violence conjugale représentent pour une femme âgée de 15 à 44 ans un risque plus grand que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. Une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie. »
Près d’1 femme sur 2 reconnaît avoir été victime de violences psychologiques.
« En France, une femme meurt tous les trois jours, dans tous les milieux, à la ville comme à la campagne, sous les coups de son conjoint. »
134 femmes en 2016.

Toute la classe politique (ou presque) concernée par cette affaire mais aussi et surtout les socialistes au gouvernement ont eu a coeur de garantir l’égalité hommes/femmes et de veiller à ce que l’Etat français prenne la vague du progrès et se dirige vers une société qui ne sera plus hétéro-normée, qui gommera la binarité de genre et telle une France tranquille, en viendra à abolir le patriarcat.
C’est pourquoi le remaniement gouvernemental de février 2016, voit la première mesure courageuse et révolut….euh…réactionnaire de ce long chemin de croix vers l’égalité : le ministère des droits des femmes, qui n’était déjà plus un ministère de plein exercice mais était jusque-là rattaché au ministère des Affaires sociales et de la santé, est désormais rattaché……tintintin tintintintintin (jingle de la Metro Goldwin-Meyer)…..attention mesdames et messieurs….j’ai nommé le grand MINISTERE DE LA MAGIE…non…ça c’est pour les sorcières (et les femmes ne sont plus des sorcières)…non, il s’agit du Ministère de la famille, de l’enfance ET des droits des femmes (en dernier bien sûr) !

Et enfin juste pour le plaisir, pour rendre hommage au féminisme de François Hollande, une petite liste de quelques femmes de son gouvernement et des fonctions de «prestige»… de rêve (!) qu’elles occupent :

JULIETTE MÉADEL / Secrétaire d’Etat du 1er Ministre, chargée de l’aide aux victimes
MARISOL TOURAINE / Ministre des Affaires sociales et de la Santé
SEGOLÈNE NEUVILLE / Secrétaire d’Etat auprès de la ministre Affaires sociales et de la Santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

PASCALE BOISTARD / Secrétaire d’Etat auprès de la ministre Affaires sociales et de la Santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Et notre préférée: LAURENCE ROSSIGNOL / Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Et son meilleur poste: Secrétaire d’Etat chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, auprès de la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, d’avril 2014 à février 2016.

(Précisons que la direction du cabinet du Ministre des familles (etc.) est attribué à un homme et que sur 15 personnes composant le cabinet (dont la ministre) 13 personnes sont des femmes. Ca pourrait être chouette vous me direz, mais non, c’est pas un cabinet non-mixte, c’est la…PARITÉ. Ah, vous êtes trop forts. Ou plutôt, c’est la COMPÉTENCE. (Les femmes, vous savez, à la cuisine et au foyer, elles s’y connaissent.)

PASSONS AUX CHOSES SÉRIEUSES

FH, les initiales de François Hollande c’est aussi les initiales de Femmes/Hommes.
Génial.
Mais ce ne sont pas les initiales d’un grand allié du féminisme nous l’avons vu.
Pourtant François Hollande n’est pas non plus l’ennemi public N°1 du féminisme ni le conspirateur du patriarcat il s’est, le pauvre trouvé là au mauvais endroit, au mauvais moment ; il est…Président de la République française. Presque pas de sa faute. Mais je ne l’ai pas fustigé à tort ou à travers, n’est-ce pas ?

Petit rappel des méfaits : le patriarcat est un système d’oppression qui vise majoritairement les femmes comme catégorie socialement construite – je dis bien socialement construite – car les femmes ou la femme*, ça n’existe pas. Qu’est ce qu’une femme, n’importe qui serait bien en peine de le dire.

Donc, ce patriarcat (moteur archaïque de l’histoire), même s’il a des fondements matériels forts en lien avec le capitalisme, s’est pris de passion pour l’autonomie et l’émancipation. Et non content d’asservir quotidiennement les femmes au foyer et/ou dans la sphère privée et/ou dans des domaines relégués comme futiles, inconséquents et ne faisant pas beaucoup avancer la marche du monde, bref non content de ça, le patriarcat s’amuse à leur faire PEUR. Oui, c’est à la mode faire peur mais ça existe depuis bien
longtemps. Et voilà, on viole, on attaque, on agresse verbalement, physiquement et psychologiquement, à tour de bras. Surtout, on fait bien attention à ce qu’aucun garant institutionnel de confiance puissent servir de pare-feu à ces attaques. Donc, entre autres choses, on met en place une justice sexiste qui met systématiquement en cause la parole des femmes et qui, au lieu de présumer innocent les personnes accusées de viol, présume coupables et menteuses les femmes qui déclarent avoir subi un viol. Mais pourquoi leur faire peur ainsi ? Non pas par perversité innée ou par une nature humaine qui serait fondamentalement mauvaise / par passion du gore, des films d’horreur ou des farces et attrapes, mais parce qu’ainsi on n’a vraiment pas à s’inquiéter que pendant leurs réunions Tupperware©, les femmes se mettent à s’inquiéter elles de leur émancipation en commençant à se parler et à s’organiser pour sortir de
cette situation vraiment pourrie d’esclavage moderne.

« Elles pourraient se mettre en quête de devenir des personnes, les insolentes » [10] ou même s’imaginer être des êtres humains et donc faire partie de … l’humanité !!
Oui, celle-ci même pour laquelle François Hollande a fait un super geste !
Mais attendez, mais non, c’est pas possible puisqu’on n’en fait pas encore partie, de l’humanité. Parce que pour ça, il faudrait qu’on soit … égaux ! Egales même !

Mais avant tout ça, avant de pouvoir bénéficier d’un geste d’humanité de la part de François Hollande, ou alors pour éviter d’avoir ça comme seul salut pour notre vie, qu’est-ce qu’on fait ?

ON S’ORGANISE !

On se parle, on se rassemble, on veille au grain (on est super fortes pour faire ça), on se reconnaît comme sœurs de lutte, on se regroupe en non-mixité, on discute, on pense (c’est la même chose), on va embêter le
monde (là on a la palme pour ça) capitaliste et patriarcal, on rêve à nous, plus tard, plus grandes !
On se libère et on devient des êtres humains égaux de tous les autres !
Mais ça, ça ne se fera qu’en renversant le patriarcat et son meilleur copain, le capitalisme.
Alors je vous dis à bientôt sur le chemin de la chute du patriarcat par l’auto-organisation des femmes et minorités de genre !

P.S. : je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps mais cette justice sexiste c’est la même, mais en version «de classe», qui a jugé et condamné des syndicalistes et des militantEs durant ces dernières années de lutte et notamment durant le mouvement contre la loi Travail.
Je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps mais cette justice sexiste c’est la même, en raciste, qui condamne Youssouf et Bagui Traoré, les frères d’Adama Traoré, pour… rien. Ah, si, pour avoir voulu demandé justice pour leur frère. Assassiné par les gendarmes pour … quoi ? Légitime défense ? Ah non … je mélange tout… C’est cette même justice qui pourchasse Assa Traoré et toute sa famille de tous les
ressorts juridiques absurdes possibles mais qui, au final, ne veut juste que les épuiser émotionnellement et psychologiquement pour….quoi ? Pour leur faire peur, pour qu’illes se taisent, n’aient plus à penser et finalement, ne se mettent plus à rêver de justice et de liberté et d’égalité…

Ca ne vous rappelle rien ?

Marion Hérissée, le 28 décembre 2016

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