À l’hôpital, ça va mal

Le gouvernement casse les services publics... À nous d'en prendre les débris et d'en faire des pavés !

Témoignage de Clarisse, militante aux Féministes révolutionnaires et infirmière dans un hôpital public en région parisienne. Ce texte est une retranscription de l’intervention de Clarisse lors de notre soirée pour célébrer les 5 ans du collectif.

Les politiques néolibérales dénoncées depuis des décennies par les soignant·es se sont exacerbées avec la crise sanitaire, accélérant la destruction de l’hôpital public. L’hôpital n’assure plus ses missions, la mise en danger des patients est permanente, l’offre de soins publics ne cesse de diminuer. Des lits ferment, des services ferment, des hôpitaux ferment, des lignes de SMUR(1) ferment. 

Le virage ambulatoire n’existe pas, c’est un carambolage.

Des hôpitaux de proximité, à taille humaine, sont rayés de la carte pour des usines de soins. Mais quand on fait un AVC à Landerneau, c’est à Landerneau. Quand on se casse le col du fémur à Epernay, c’est à Epernay.

C’est la vie. Ce sont nos vies.

Les décisions gouvernementales sont mortifères, laissant les hôpitaux sans ressources, les gens agoniser. Pour eux, c’est l’affaire de discussions autour de la « réduction des coûts ». Pour nous, ce sont des mort·es.

L’hôpital est devenu un endroit aux antipodes du rétablissement : plus on y reste, plus on y subit des maltraitances et des complications médicales. Il est le reflet d’un système dans lequel les conditions d’existence ne cessent de se dégrader. On y voit passer les plus précarisé·es, les plus fragilisé·es. On y retrouve racisme, sexisme, psychophobie, validisme, grossophobie, lesbophobie, transphobie… Toutes les oppressions. On y apprend que toutes les vies humaines ne se valent pas. Que répondre à cette patiente hospitalisée en unité fermée Alzheimer qui me demande : « Quelle est la différence avec la prison ? »

Concernant les soignant·es, ce n’est pas mieux. Maltraité·es et maltraitant·es, les héros d’un jour, méprisé·es toujours. Leurs métiers ne font plus sens. Beaucoup partent, les autres souffrent : plannings surchargés, déplacements dans toutes les unités. L’erreur est quotidienne, la faute jamais loin. Soignant·es épuisé·es : patient·es en danger. Les expertes sont maintenant celles qui ont deux ans d’ancienneté dans le service. Si je parle d’expertes c’est parce qu’aujourd’hui au moins 8 soignant·es sur 10 sont des soignantes. Le travail du soin est dénigré, les compétences essentialisées : les critères nécessaires pour en faire une activité de femmes.

Je n’évoque ici que le travail salarié, car se sont souvent des doubles ou des triples journées de travail qu’effectuent mes collègues avec le travail domestique non rémunéré.

Mais (pas si) étrangement, dans les luttes du soin, les hommes sont surreprésentés. Alors que ce soit clair, on ne veut plus discuter avec des médecins qui considèrent qu’attacher quelqu’un, c’est du soin, ou que l’enfermement, ce n’est pas un problème. Qui, quand ils voient une patiente souffrir, prescrivent un anxiolytique et, quand c’est un patient, de la morphine. Qui lèvent les yeux au ciel quand on évoque la division raciale et genrée du travail.

La crise sanitaire aura démontré que le système de soins repose sur les soignant·es. Il faut créer un réel rapport de force.

Dans un contexte où la violence sociale progresse à toute vitesse, où les pandémies vont se succéder, allons-nous encore longtemps négocier avec un gouvernement qui nous gaze quand on revendique seulement de pouvoir soigner les gens ? Un gouvernement qui tire par les cheveux et attache à un banc notre collègue qui a fait sa carrière à l’assistance publique ? Un gouvernement qui nous balance 100 euros pour nous faire taire ? Cent euros, est-ce que ça va rendre les dos cassés de mes collègues, est-ce que ça va nous redonner le sommeil ? Est-ce que ça va suffire à prendre en charge nos traumatismes ? Est-ce que ça améliore nos conditions de travail ? Non.

Je n’ai plus envie de discuter avec un gouvernement qui m’a abandonnée avec des patient·es qui s’étouffent seul·es dans un lit froid.

Nous avons vu les conséquences désastreuses d’un système de santé qui marche au profit, dont les actrices ne sont jamais décisionnaires.

Le gouvernement nous fait la promesse d’une dégradation constante.

C’est une période d’accélération de la casse des services publics… À nous d’en prendre les débris et d’en faire des pavés !

Ne laissons pas ces politiques nous entraîner dans leur chute. Le pouvoir est à nous, prenons-le !

Défendons les soins publics, c’est vital.

1) SMUR : structures mobiles d’urgence et de réanimation

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