Nos perspectives pour les 5 années à venir et au-delà

Texte rédigé pour la soirée célébrant les 5 ans des Féministes révolutionnaires.


Nous l’avons compris : on nous attaque sur tous les fronts. Dans ce cadre, voilà nos perspectives pour les années à venir.

1. Travail

Les anciennes grévistes d’Ibis et les salariées de McDo nous ont rappelé que quand on détruit le code du travail et qu’on rogne sur les acquis sociaux, les premières personnes qui sont touchées sont les femmes, les LGBT, les habitantes et habitants des quartiers populaires, les personnes racisées et/ou migrantes.

2. Services publics

Lorsqu’on démantèle les services publics, non seulement cela fait peser sur les femmes et les minorités de genre une charge accrue de travail reproductif, mais on se retrouve dans l’incapacité d’agir face à une crise, comme l’a montré la gestion désastreuse de l’épidémie de Covid.

3. LGBT

Les LGBT sont toujours frappés par des séries d’assassinats transphobes impunis, des vagues de suicides continuent de faucher nos communautés et la montée de l’extrême-droite et des réactionnaires, parce qu’elle libère encore plus la parole LGBT-phobe, doit être une de nos préoccupations centrales.

4. Avortement

L’accès à l’avortement libre et gratuit est toujours un droit qui s’obtient de haute lutte et ce droit n’est jamais garanti dans le cadre d’une démocratie bourgeoise.

5. Violences

Il ne faut pas se laisser enfumer par le gouvernement, ses coups de com’ et son Grenelle. Aucune mesure sérieuse ne pourra être prise contre les violences et les féminicides tant qu’il ne mettra pas la main au portefeuille.

Face à cette situation, à cette série d’attaques, on a vite fait de se sentir découragé, abasourdi, voire impuissant. Aux Féministes révolutionnaires, nous avons pris la décision de nous organiser, parce que nous pensons qu’il est possible de faire bouger les lignes. Et nous ne sommes pas les seul·es.

Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, le féminisme est, à l’échelle internationale, l’un des mouvements majeurs de contestation des politiques capitalistes, impérialistes, patriarcales et destructrices de l’environnement.

La nouvelle génération féministe, celle du 8 mars pour toutes et de Me Too, celle de la grève internationale féministe et des groupes de collages, celle de la génération Ni Una Menos, de Non Una Di Meno, des jeunes pour le climat et de Black Lives Matter… Notre génération, osons le dire, la génération de la 4e vague du féminisme international, a de grands défis à relever. Et notre génération, la génération féministe et révolutionnaire, répond « nous sommes prêt·es ».


A. Notre projet pour le mouvement féministe

Nous sommes prêt·es à en finir avec cette société injuste qui nous exploite, nous opprime, nous surveille et nous divise.

Pour cela, il faut reconstruire, au cours des 5 années à venir, un mouvement féministe et LGBT fort. Un mouvement en mesure de mener de nouvelles luttes et de gagner de nouveaux droits.


a) Mouvement unitaire

Une première difficulté que nous devons surmonter est la division partielle du milieu militant féministe contemporain, avec, d’un côté, des organisations directement issues des luttes des années 1970 et, de l’autre, des générations plus jeunes.

D’un côté comme de l’autre, il y a des reproches.

On reproche souvent aux moins jeunes leurs positions, qui seraient moins radicales, dont celle d’un féminisme « universaliste », réformiste voire bourgeois, prêt à dialoguer avec l’État et ses institutions. Ce qu’on ne voit pas, c’est que la tradition des années 1970 est de toujours penser ensemble la question du genre, de la race et de la classe, et que chaque militante qui était dans la rue dans les années 1970 dispose de ressources inestimables et de la capacité de nous transmettre la mémoire des luttes passées. Une capacité trop souvent ignorée et sous-exploitée.

De l’autre côté, on reproche souvent aux plus jeunes de ne pas bien comprendre la situation, de mal mettre en œuvre les théories importées des États-Unis, de tout mélanger pour, au final, oublier « le vrai sujet du féminisme ». Alors que les théories intersectionnelles ont donné à notre génération une vision plus complète du système contre lequel nous nous battons, les travaux féministes les plus récents (comme ceux de notre camarade Aurore Koechlin) montrent bien que l’intersectionnalité n’est pas incompatible avec un féminisme matérialiste, lutte des classes et révolutionnaire.

Des désaccords existent entre les différentes générations de féministes et nous ne les minimisons pas. Mais ces désaccords ne doivent pas être des obstacles à la réalisation d’un mouvement unitaire. Nous pensons que les désaccords se règlent dans le mouvement, dans l’expérience collective et dans la lutte.

Nous sommes, pour notre part, inflexibles sur les questions qui ont déchiré le milieu féministe des années 2000-2010. Nous sommes inflexibles sur la nécessité d’inclure les personnes trans dans le féminisme, sur la défense des travailleur·euses du sexe et des femmes qui portent le voile. Et nous continuerons de le dire dans chaque réunion, dans chaque AG, sur chaque piquet de grève.

Parce qu’un mouvement réellement unitaire, c’est un mouvement qui ne laisse personne de côté, et qui prend la défense de tou·tes les exploité·es et de tou·tes les opprimé·es.


b) Mouvement coordonné dans l’espace et sur la durée

La seconde difficulté à laquelle se heurte le féministe français, c’est la question de la coordination des forces dans l’espace et sur la durée.

Nous ne disposons pas d’assez d’espaces communs à toutes les organisations, tous les collectifs, toutes les associations. Des espaces se font et se défont à l’arrivée d’un 8 mars, d’un 25 novembre, d’une marche des fiertés. Non seulement nous n’obtiendrons pas de nouveaux droits sans sortir de cet agenda préétabli, mais cela nous cantonne à une posture défensive, à l’idée que l’on organise une manif parce qu’il y en avait une l’an passé à la même date.

Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de ne descendre dans la rue que pour fêter des dates anniversaires. Nous devons être à l’offensive. Un mouvement qui se donne véritablement les moyens de gagner de nouveaux droits, c’est un mouvement en mesure de tenir sur la durée.

C’est aussi un mouvement qui s’organise à plusieurs échelles, locales, régionales, nationales, avec des rencontres régulières.

Si nous défendons ce type d’organisation, ce n’est pas par instinct, mais parce que de tels mouvements existent dans d’autre pays et y ont déjà fait leurs preuves. C’est notamment le cas en Argentine, en Italie, en Espagne, en Suisse, et ailleurs.

Notre ambition pour les 5 prochaines années, c’est de participer à la reconstruction d’un mouvement féministe et LGBT national. Nous ne sommes pas les premières à essayer, de telles initiatives ont déjà existé dans le passé, mais la nouvelle génération féministe à laquelle nous appartenons ne l’a pas encore réalisé jusqu’au bout.

Une coordination féministe qui réunit des collectifs de tout le pays commence timidement à exister depuis octobre 2019. Elle organisera des rencontres nationales auxquelles nous participerons. De telles initiatives sont précieuses, et doivent être amplifiées.

Mais les luttes féministes et LGBT ne doivent pas seulement se renforcer toutes seules dans leur coin. Nos revendications doivent irriguer tous les mouvements progressistes.


B. Notre intervention dans le mouvement social

Nous sommes convaincu·es du principe de convergence des luttes, et nous défendons l’idée d’une convergence du centre vers les marges.

Ce ne sont pas aux mouvements antiracistes, féministes ou LGBT de se mettre en rang derrière les dignes représentants autoproclamés de la classe ouvrière. Au contraire, c’est à l’ensemble du mouvement social de prendre la défense des opprimées et de se jeter de toutes ses forces dans les mobilisations antiracistes, féministes et LGBT.

Nous ne sommes pas des figurant·es ! Nous devons être à l’initiative, à l’avant-garde, de toutes les batailles contre le système capitaliste, son État et son gouvernement.

Ne nous le cachons pas : parfois participer aux mobilisations auprès des autres forces de gauche est épuisant.

Parce qu’évidemment, tous les syndicalistes, tous les militants politiques ou associatifs ne sont pas automatiquement féministes, antiracistes et trans-friendly. Il y en a même qui sont franchement racistes, sexistes ou homophobes.

C’est une erreur que de penser que nous n’avons rien à faire ou d’attendre d’eux qu’ils se « déconstruisent » par eux-mêmes sur ces questions, comme si être raciste, sexiste ou transphobe n’était qu’une simple affaire de bonne volonté.

La conscience ne progresse pas toujours par bonne volonté. Mais elle progresse très souvent dans l’action.

C’est pourquoi nous pensons que c’est par l’intervention visible de nos communautés, à l’intérieur du mouvement social, comme nous l’avons fait pendant le mouvement contre la Loi travail en 2016 par exemple, que les autres militants de gauche progresseront sur les questions des oppressions.

Notre mouvement est révolutionnaire. Il a l’ambition de renverser la société pour en construire une nouvelle, cette ambition ne peut pas se réaliser sans la participation massive de l’ensemble des couches opprimées de la population.

Les 5 années qui viennent seront, une fois de plus, le théâtre de nouvelles attaques antisociales. Et on l’a vu, quand le code du travail ou les services publics sont dans le viseur, c’est nous qui en payons les frais. Nous lutterons donc, aux côtés de toutes les autres forces progressistes.

Chaque expérience commune nous rapprochera. Chaque cortège en manifestation, chaque grève, chaque occupation de fac.

Et dans chacune de ces échéances, notre participation ne sera pas seulement souhaitable, elle sera indispensable.

Ce n’est pas dans une réunion de mecs syndicalistes hétéros qu’on trouvera la recette miracle pour en finir avec les violences sexistes, les assassinats transphobes, les agressions contre les gouines et les pédés, les crimes policiers, racistes et islamophobes.

Ce n’est pas eux qui expliqueront en quoi chaque attaque mineure portée à leurs droits est une attaque majeure portée aux nôtres.

C’est à nous de le faire ! Nous les féministes et les LGBT, dans la rue, dans les entreprises, dans les facs, dans les hôtels, à McDo, à l’hôpital…

Notre rôle est un rôle primordial. C’est de prendre part à un élan qui nous dépasse. À la lutte inlassable de la majorité dominée contre la minorité dominante. À la lutte inlassable contre un système qui est tout à la fois capitaliste, patriarcal, raciste et destructeur de l’environnement.

Et dans cette lutte historique, nous le disons d’ores et déjà haut et fort : nous sommes au premier rang.


Conclusion

Après que vous m’ayez si gentiment lu déclarer ma flamme à la révolution, j’aimerais vous demander la permission de faire une dernière déclaration enflammée.

Une déclaration, que j’adresse à toutes celles et à tous ceux que j’ai la chance immense d’appeler mes camarades.

Ces 5 années ont été riches d’enseignements. Certes, il y a eu des frustrations et des larmes, et il y en aura encore, c’est une certitude. 

Mais j’ai appris une chose.

J’ai appris que la solidarité, l’entraide, l’écoute, la camaraderie, l’amour, ne sont pas de vagues concepts abstraits. Que quand on les met véritablement en pratique, on peut tout dépasser.

Je dis, à toutes et à tous mes camarades : c’est quand nous sommes ensemble que je me sens forte.

Car ensemble, nous sommes celles et ceux qui gardent la tête haute et le poing encore plus haut,

Nous sommes la 4e vague du féminisme,

Nous sommes la lutte des classes,

Nous avançons et nous ne nous arrêterons pas, car chaque pas que nous faisons est un pas de plus vers la victoire,

Nous sommes, ce soir, et nous resterons, pour les 5, 10, 50, 100 années à venir, 

Tant qu’il le faudra, féministes et révolutionnaires.

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