I. Situation politique et féministe
a. Mobilisations féministes internationales et montée des réactionnaires
À l’échelle internationale, comme dans une moindre mesure en France, la situation est polarisée. Il est ainsi indéniable qu’une nouvelle vague du féminisme s’est développée ces dernières années. Elle a réussi à arracher de nouveaux droits dans de nombreux pays : ainsi, le droit à l’avortement a été obtenu par les mobilisations en Irlande, en Argentine, au Mexique, et en Colombie, entre autres. Mais dans le même temps, pareillement à ce qu’il s’est passé pour le mouvement antiraciste, une telle dynamique fait naître une réaction. À l’heure où nous terminons ce texte, cela fait deux semaines que l’arrêt Roe v. Wade a été révoqué aux États-Unis. En un week-end, dix états se sont empressés de pénaliser l’avortement et une vingtaine d’autres s’apprêtent encore à le limiter. Pire, l’arrêt de la Cour Suprême du 24 juin 2022 est la porte ouverte à la remise en question du droit à la contraception, de la dépénalisation de l’homosexualité et du mariage LGBTQ+. L’Europe n’est pas en reste puisque l’avortement n’est plus légal en Pologne depuis 2020 et son accès rendu toujours plus difficile en Hongrie et Roumanie.
En France, les élections présidentielles et législatives ont charrié leur lot de tristes records, à commencer par l’Assemblée nationale qui enregistre un nombre de 89 député·es issu·e·s du Rassemblement National, du jamais vu. Ces député·es se sont d’ores et déjà illustré·es en mettant en avant leur nostalgie de l’Algérie française, et en qualifiant l’avortement de « génocide ».
Mais là encore dans le même temps, il est indéniable que la NUPES a connu une dynamique importante et apparaît comme le premier groupe parlementaire d’opposition. Pour autant, ce dernier n’est pas dénué de contradictions internes : la présence du PS constitue la plus visible, tout comme la nomination d’Eric Coquerel à la présidence de la commission des finances, laquelle a confirmé la désastreuse gestion des violences sexistes et sexuelles en interne par La France Insoumise.
Côté LREM, la complicité du parti présidentiel avec l’extrême droite et ses idées s’est renforcée ces derniers mois. Alors que Macron tentait de se présenter comme un barrage face aux réactionnaires, LREM n’a pas appelé à voter contre l’extrême droite au second tour des législatives. Elle a également contribué à l’élection de deux députés RN aux postes de vice-présidents de l’Assemblée nationale. Le maintien et l’élargissement du portefeuille de Gérald Darmanin, qui se voit doté du ministère des Outre-mer, et son annonce le 9 juillet de faciliter l’expulsion de tout étranger·e ayant été inculpé·e par la justice sans condition d’âge d’arrivée en France ne laissent pas de doute sur les politiques sécuritaires racistes en gestation.
Enfin, il faut espérer que le retour de Sarah El Haïry au secrétariat de la jeunesse ne présage pas d’un regain de croisade contre le « wokisme » au nom desdites « valeurs républicaines », dans la continuité de celle menée avec Jean-Michel Blanquer sous le premier mandat Macron.
b. Accompagnée d’une montée des politiques anti-sociales
Le premier mandat de Macron a de fait été un tremplin à l’extrême droite par l’ensemble des attaques sociales qu’il a mises en place. Le plus symptomatique aujourd’hui est sans doute l’état de notre hôpital public. Alors qu’on aurait pu penser que les vagues successives de Covid allaient convaincre de la nécessité de financer la santé, la casse de l’hôpital continue et s’accélère. Par manque de personnel, donc de financements, mais aussi de reconnaissance sociale après plus de deux ans à travailler à flux tendu, de nombreux services d’urgence doivent fermer, et dans les autres services, ce sont les lits qui ferment. L’été s’annonce catastrophique, entre la nouvelle vague de Covid et les canicules. Et la Macronie ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Dans un contexte d’inflation (+ 5,8% sur un an) et de baisse globale du pouvoir d’achat (-1,9%), qui fait que les personnes les plus pauvres sont toujours davantage précarisées, il va s’agir de s’attaquer à nos derniers droits sociaux : réformes des retraites, du chômage, du RSA, de la sécurité sociale… Et la répression à la clé pour faire passer cette politique, alors que la police tue de plus en plus et de plus en plus impunément. L’assassinat en juin d’une jeune femme dans le cadre d’un refus de contrôle d’un véhicule dont le conducteur ne portait pas de ceinture le démontre de façon glaçante.
La montée des réactionnaires et de l’extrême droite, accompagnée des politiques anti-sociales du néolibéralisme, qui étaient déjà au centre de nos discussions lors des précédentes rencontres nationales, se poursuivent. Il ne faut pas s’y tromper : derrière son aspect prétendument “social” la progression de l’extrême droite représente une véritable menace pour toutes les femmes, les minorités opprimées et les travailleur·euses. La politique de casse de tous nos acquis sociaux va également nous précariser davantage.
Pour autant, on voit qu’il n’en existe pas moins des points d’appui dans la situation, qui demeure contrastée. Qu’en est-il des réponses qui lui sont apportées du côté des féministes ?
c. Un mouvement féministe en reconstruction mais morcelé
Là aussi la situation est ambiguë. À la fois face à toutes ces attaques, le mouvement social a connu un nouveau cycle de lutte. Entamé en 2016, de la lutte contre la loi travail aux Gilets jaunes, en passant par les mobilisations cheminotes, étudiantes et antiracistes, chaque année ou presque était marquée par un nouveau mouvement. Mais le Covid semble avoir mis un coup d’arrêt (que nous espérons provisoire) à ces mobilisations.
Renforcé par une montée internationale des préoccupations et manifestations féministes suite à #MeToo et aux mobilisations d’Amérique latine, le mouvement féministe français, quant à lui, grandit et se reconstruit peu à peu. Par exemple, cette année ce sont plusieurs dizaines de milliers de militant·es en France qui sont sorti·es dans les rues pour le 8 mars. Nous n’avons pas ré-atteint les chiffres historiques des manifestations pré-Covid, mais la dynamique se maintient. Les syndicats commencent également à se saisir du mot d’ordre de la grève féministe, même si elle n’est pas pour le moment activement préparée.
Cette situation doit nous pousser à continuer le travail de reconstruction du mouvement féministe. Il demeure encore marqué par des faiblesses que nous travaillons activement à dépasser.
• La faible auto-organisation
En effet, le mouvement féministe en France demeure encore peu structuré. De nouveaux droits ont été obtenus dans le programme présidentiel de François Hollande, par exemple la loi bioéthique sur la PMA, pourtant, la loi actuelle reste en deçà de nos attentes (non accessible aux personnes trans, levée partielle de l’anonymat du donneur, non gratuite, avec un mode de filiation différencié pour les couples de femmes, et sans autorisation de la méthode ROPA…). Pour imposer nos revendications et obtenir des droits à la hauteur de nos attentes, nous avons besoin d’un mouvement plus fort et plus organisé. La Coordination féministe va dans le sens d’une plus grande structuration. À ce titre, l’année prochaine sera une étape clé dans cette reconstruction.
• Les divisions et l’éparpillement
Le constat n’est pas nouveau, le féminisme français est divisé. Les divisions sont parfois d’ordre politique, stratégique et/ou générationnel. Les mouvements féministes issus de la nouvelle vague –dans laquelle nous nous reconnaissons – développent la vision d’un féminisme intégral, en lien avec les revendications sociales, antiracistes, LGBT, antivalidistes, écologistes, etc. Ils sont par conséquent convaincus d’une nécessaire convergence des luttes et de la défense des revendications spécifiques des minorités. Cette caractéristique est une force politique indéniable. Mais cette force devient parfois une faiblesse, quand notre conviction qu’il faut se battre sur tous les fronts nous empêche de prioriser notre intervention et nous conduit à l’éparpillement de nos forces militantes.
• L’absence de revendications claires et qui fassent consensus dans l’ensemble du mouvement
Par ailleurs, le mouvement féministe a besoin de revendications collectives et claires pour mobiliser largement. Il faut avoir des perspectives positives pour se mettre en grève : ce n’est pas qu’une action symbolique, c’est un moyen de pression pour obtenir de nouveaux droits, et ces nouveaux droits, ce sont précisément nos revendications. Or, tant que le mouvement féministe ne s’en dotera pas, il aura du mal à mobiliser.
II. Quelles Perspectives pour une Coordination féministe ?
a. Penser un féminisme résolument anticapitaliste et lutte des classes
Nous pensons qu’il est impossible de s’attaquer au patriarcat sans s’attaquer au système capitaliste qui exploite les femmes et minorités de genre doublement : sans compter le travail informel, nous constituons environ 53,4 % du travail salarié dans le monde. Nous permettons également le renouvellement de la force de travail en assurant les 3/4 du travail domestique non rémunéré.
Aujourd’hui il y a urgence à ralentir la production et réduire le temps de travail pour permettre une véritable transformation sociale et écologique. Il y a urgence à lutter contre les nouvelles formes de salariat qui maintiennent les travailleur·euses dans un statut de précarité constante au moyen de contrats de travail à durée déterminée, temporaires (intérimaires), stages sous-payés… Il y a urgence à lutter contre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale qui alimente les inégalités salariales et renforce les stéréotypes de genre. C’est pourquoi il est impératif de renouer avec une lutte féministe en lien avec tous les mouvements sociaux des travailleuses et travailleurs contre le système capitaliste.
Le renouveau du syndicalisme états-unien (avec des structures syndicales qui ont émergées à Amazon ou à Starbucks, par exemple) est un signal fort qui doit nous inciter à reconstruire nos liens avec les syndicats et toutes les autres organisations du monde du travail salarié et non-salarié, sapées par des décennies de politiques néo-libérales. D’autant plus que les attaques inévitables du gouvernement contre nos acquis sociaux (retraites, sécurité sociale par exemple) peuvent lancer un mouvement social défensif d’ampleur dès la rentrée. D’ores et déjà, Martinez appelle à des journées d’action en septembre. Nous devons nous y préparer, et y défendre nos mots d’ordre et revendications féministes en prévision de grèves et mouvements sociaux d’amplitudes croissantes.
Cela pourra également être le point de départ d’un travail de longue haleine de mise en place de formations pour permettre la représentation des femmes et minorités de genre dans toutes les structures d’organisation du travail. Ce qui nous permettra à terme d’accompagner systématiquement toutes les grèves et autres actions collectives sur les lieux de travail, sur le modèle des mobilisations des personnels du Park Hyatt Paris-Vendôme (3 mois) ou de l’hôtel Ibis Batignolles (22 mois) qui contribuent à alerter sur les abus de la sous-traitance.
Mais nous devons aussi consolider nos rapports avec les associations de travailleur·euses et réinvestir ou penser de nouvelles voies d’émancipation des travailleur·euses à travers toutes les professions, modes de travail (mobilité, télétravail par exemple) et statuts (microentrepreunariat, multisalariat…).
Autant d’outils dont la Coordination féministe a déjà commencé à s’emparer avec la constitution de commissions thématiques, dont l’une sur la précarité. Ces efforts sont à poursuivre pour faire advenir un horizon de travailleur·euses émancipé·es à même d’abattre un système capitaliste patriarcal, validiste, raciste, sexiste et profondément inégalitaire, qui se maintient au coût mortifère de l’extraction de nos vies et des ressources de la planète.
b. Un mouvement large et coordonné pour préparer la grève féministe
Face au contexte actuel, nous n’avons pas d’autre choix que de reconstruire un mouvement unitaire, massif et coordonné. La Coordination féministe porte cette ambition, et elle est à ce titre un cadre précieux.
Mais se constituer en réseau national n’est pas suffisant. Il faut réussir à se coordonner dans l’action, avec une perspective commune. Selon nous, notre prochain objectif devrait être la préparation de la grève féministe du 8 mars 2023, car nous pensons que la grève constitue aujourd’hui notre outil de lutte privilégié. En effet, elle permet d’imposer un rapport de force en paralysant à la fois le système de production et de reproduction. La grève générale féministe ne se limite pas au travail salarié, mais implique aussi le travail reproductif, exercé gratuitement dans les foyers. Depuis 2017, elle est appelée chaque année le 8 mars par des militant·es féministes du monde entier. Afin de construire ce jour de grève en 2023, il nous faut rassembler des milliers de personnes qui réfléchiront collectivement à son organisation, tout comme cela à été fait au Chili, en Suisse ou encore en Argentine !
Pour préparer la grève générale féministe du 8 mars 2023, nous pensons qu’il est nécessaire que la Coordination féministe appelle, dès maintenant, à lancer des assemblée générales dans toutes les villes à la rentrée. Ces initiatives permettront la création et le développement d’un espace d’échange entre les collectifs féministes, antiracistes, antifascistes, écologiques, mais aussi avec des personnes qui ne sont pas encore militantes. Nous pensons qu’il est nécessaire d’associer les structures syndicales locales à ces initiatives, et que nos collectifs doivent, dans la mesure du possible, prendre contact localement avec les syndicats pour construire la grève du 8 mars 2023. Ainsi, si nous fondons, à partir de la Coordination féministe, un mouvement de grande ampleur, nous serons en capacité d’imposer nos positions au reste du mouvement féministe – libéral, transphobe, institutionnaliste et raciste – puisque nous aurions réussi à être la majorité !
c. Nos revendications
L’un des objectifs de ces nouvelles rencontres nationales est l’adoption d’une plateforme de revendications, et nous nous en réjouissons, puisque c’était une perspective que nous défendions cet hiver.
Pour nous, l’élaboration de revendications doit se faire en deux temps :
– sur le court terme, une plateforme brève de quelques revendications immédiates peut être adoptée lors des rencontres de Grenoble, sur lesquelles nous construirons la grève du 8 mars 2023.
– sur le moyen terme, nous pensons que la Coordination peut réfléchir à un véritable programme pour une société féministe, qui proposerait une alternative au capitalisme (une société sans exploitation, ni domination, où la production est gérée en fonction des besoins sociaux et dans le respect de l’environnement, où les rapports entre les être humains sont transformés, etc).
Bien sûr, si un mouvement féministe d’ampleur se développait dans les mois à venir, peut-être mettrait-il en avant d’autres revendications que celles que nous aurons envisagées. Mais cela ne doit pas nous empêcher de faire des propositions.
Par ailleurs, il nous semble important de préciser que le but premier de ces quelques revendications immédiates ne doit pas être de lister l’ensemble des changements que nous aimerions voir advenir. Cela serait plutôt l’objectif de notre programme pour une société féministe. Nous devons cibler quelques revendications phares, dont le but premier doit être de mobiliser. Pour cela, il faut faire quelque chose que nous n’aimons pas beaucoup faire dans les milieux féministes, mais qui est nécessaire en politique : prioriser certaines revendications. Bien sûr, plus le rapport de force augmente, et plus nous pouvons étoffer ces revendications. Mais pour éviter le phénomène “AG étudiante” où nous votons à quelques centaines la fin du capitalisme et la révocation de l’ensemble des lois néolibérales, il faut mettre en avant quelques revendications qui semblent atteignables par les mobilisations au plus grand nombre. Sans pour autant rogner sur notre projet global : c’est le sens de notre programme ! Mais en évitant le double écueil de la “liste de course” ou de l’idée selon laquelle la revendication la plus radicale est forcément la meilleure.
Pour ce qui est des revendications immédiates, nous observons qu’aujourd’hui, l’une des rares revendications clairement énoncée par une large partie du mouvement féministe est le plan d’un milliard d’euros pour lutter contre les violences sexistes. Cette revendication a été popularisée par Caroline de Haas en 2019 et elle est toujours présentée par Nous Toutes comme le remède miracle aux violences sexistes et sexuelles –alors même que la façon dont l’argent serait distribué n’est détaillée nulle part… Le plan d’un milliard a été repris dans les programmes d’une série d’organisations de gauche lors des dernières campagnes électorales (La France insoumise, Europe-Écologie les verts, le Parti socialiste, le Parti communiste français, la NUPES…).
Or, nous le savons déjà, ce fameux milliard, même s’il était alloué, ne suffirait pas.
L’objectif, pour lutter réellement contre les violences, c’est avant tout l’indépendance économique des femmes et minorités de genre. Pour cela, nous pensons que le mouvement féministe dans son ensemble doit défendre :
1. la hausse de tous les revenus, salaires, bourses, retraites, allocations… Ce qui implique bien sûr l’égalité réelle des salaires entre hommes et femmes !
2. leur indexation sur l’inflation et le coût de la vie
3. la déconjugalisation de l’ensemble des prestations sociales
De plus, dans la période que nous traversons, la question de la libre disposition de nos corps est d’une actualité brûlante. C’est pourquoi nous pensons que le mouvement féministe doit remettre au cœur de son agenda politique la défense du droit à l’IVG (allongement des délais autorisés, ré-ouverture de toutes les maternités de proximité pour garantir un accès à l’IVG égal sur l’ensemble du territoire, plan de recrutement massif dans l’hôpital public…), en l’articulant avec les autres droits reproductifs :
1. une PMA vraiment pour tou·tes (accessible aux personnes trans, filiation sur simple déclaration en mairie comme pour les couples hétéros, accès à la méthode ROPA)
2. des parcours de transitions intégralement remboursés et dépsychiatrisés
3. l’interdiction des mutilations sur les enfants intersexes
4. l’abrogation de toutes les lois islamophobes qui dictent aux femmes ce qu’elles ont le droit de porter ou non
Enfin, comme le mouvement féministe a mis en avant la lutte contre les violences, nous pensons que nous devons proposer un axe spécifique autour de ces enjeux, autour notamment de la prévention par l’éducation. Nous devons ainsi revendiquer des moyens pour :
1. une éducation au consentement dès le plus jeune âge et tout au long de la vie
2. une éducation aux enjeux de genre et LGBT
Dans un contexte de croisade contre le « wokisme », cette invention, ou contre l’« intersectionnalité », dont peu savent vraiment de quoi il s’agit, la lutte autour d’une éducation émancipatrice nous semble également déterminante.
Ces trois volets, l’un sur les questions “économiques”, qui affirme que nous voulons des vies dignes, l’autre sur les questions de libre disposition de nos corps et le dernier sur les questions d’éducation, sont pour nous des enjeux centraux. Ils sont susceptibles de mettre d’accord une large partie du mouvement féministe, tout en permettant de convaincre de nouvelles personnes, qui ne seraient pas encore militantes, de nous rejoindre. Enfin, une victoire sur l’une de ces revendications serait synonyme d’une amélioration immédiate et considérable des conditions de vie de centaines de milliers de personnes.
Pour ce qui est de la question du programme pour une alternative féministe au capitalisme, bien sûr, cela doit être le fruit de discussions plus poussées entre nous, mais voici d’ores et déjà des pistes qui nous semblent intéressantes. Là encore, le but demeure de mobiliser. Mais plus globalement, nous devons proposer une alternative à la société patriarcale, capitaliste et raciste dans laquelle nous vivons. Trop souvent, cette perspective est présentée comme inatteignable, le fruit de doux rêves qui s’échoueraient contre le récif implacable de la réalité capitaliste. Au contraire, nous devons :
Donner envie
L’utopie féministe, à travers notamment la science fiction, a toujours donné à voir ce qu’une autre société pourrait être. Nous devons nous en inspirer pour démontrer que là où cette société n’est que violence et destruction, celle que nous défendons serait l’exact inverse. Pour cela, nous devons aussi défendre une contre-culture. Nos expressions artistiques, comme notre hymne, sont à ce titre précieuses. De la même façon, il faudrait réfléchir à comment nous pourrions figurer, intellectuellement mais aussi artistiquement, cette autre société débarrassée de l’exploitation et des oppressions.
Apparaître crédibles
Par ailleurs, nous devons montrer concrètement que c’est possible. L’assignation genrée au travail reproductif n’est pas une fatalité : nous pouvons réorganiser la société pour mutualiser le travail reproductif. Développer et étendre les services publics, détruire la dimension économique de la famille, changer nos logements pour collectiviser les tâches domestiques, éduquer collectivement les enfants… Tout cela est possible. La société organise actuellement d’une certaine façon le travail reproductif. Mais ce n’est ni la façon unique, ni la meilleure.
Être clair·es sur notre stratégie
Cela est lié au point précédent : nous devons inclure dans notre programme notre stratégie, c’est-à-dire notre plan pour mettre en place notre programme. Ainsi, nous devons montrer qu’à nos yeux, la grève générale féministe n’est pas qu’un moyen de mettre en place un rapport de force pour obtenir des revendications immédiates. Elle est surtout notre arme pour renverser le pouvoir en place. Mais pour cela bien sûr, elle doit se développer et à un certain moment devenir majoritaire. Toute grève féministe doit donc à un moment devenir grève générale. C’est pourquoi de la même façon que la grève est au centre de notre programme, la convergence des luttes l’est également. Enfin, un dernier élément doit figurer : l’auto-organisation. Il n’y aura pas de réorganisation de la société sans démocratie à tous les niveaux. La grève doit également libérer du temps pour permettre de décider collectivement dans quelle société nous voulons vivre, comment nous souhaitons prendre les décisions, quand, comment et quoi (re)produire.