Une seule solution : la régularisation ! Soutien aux grévistes sans-papiers d’Emmaüs

Des grévistes d'Emmaüs Saint-André-lez-Lille convoqués par la justice, 31/10/23, Lille.

Crédit illustration (c) Louise Bihan / louisebihan.com
Rassemblement en soutien aux grévistes d’Emmaüs Saint-André-lez-Lille convoqués par la justice, 31/10/23, Lille.

Depuis le 1er juillet, plusieurs communautés Emmaüs du Nord de la France sont en grève. En septembre, les compagnes et compagnons de Nieppe ont rejoint la lutte déjà entamée par ceux de Saint-André-lez-Lille, de Grand-Scynthe et de Tourcoing1. Ces grèves, dont la première dure depuis quatre mois, sont la conséquence directe d’années d’exploitation à coups de salaires dérisoires, de congés refusés, de violations de la vie privée, d’insultes racistes et de promesses de papiers jamais concrétisées.

Le système Emmaüs

Les grévistes sont, pour la plupart, des sans-papiers employé·es par différentes communautés représentant l’association. Les compagnes et compagnons  sont sous le régime d’un système de contrepartie : Emmaüs fournit logement et repas, mais attend du travail en retour. Dans les communautés du Nord actuellement en grève, les différentes directions – qui ne dépendent pas d’Emmaüs – font miroiter aux travailleur·ses sans papier une régularisation qui n’arrive pas, et font totalement fi du code du travail. À Saint-André-lez-Lille, à Grand-Scynthe, à Tourcoing ou à Nieppe, les compagnes et compagnons travaillent  plus de 35h par semaine pour une rétribution dérisoire (environ 380 € par mois, dont 50€ leur sont retirés pour payer le loyer). D’après les témoignages des porte-paroles des grévistes, il ne s’agit plus simplement de travail mais bien d’une situation d’emprise et de dépendance des travailleur·ses sans-papiers face à la direction. Une enquête visant la direction du Emmaüs de Saint-André-lez-Lille est d’ailleurs en cours pour traite d’êtres humains, travail dissimulé et abus de confiance sur personnes vulnérables

La loi Darmanin

La grève Emmaüs s’inscrit dans un contexte de durcissement des conditions d’accueil des exilé·es. Actuellement, la loi Asile Immigration en vigueur prévoit la régularisation des personnes travaillant pendant plus de trois ans au sein d’une communauté inscrite parmi les Organismes d’Accueil communautaire et d’Activités solidaires (Oacas). C’est le cas de l’Emmaüs de Tourcoing et de celui de Grand-Scynthe. Pour autant, les décisions sont laissées à la discrétion de la direction, qui peut donner au cas par cas un avis favorable ou non à la préfecture… On est bien loin d’une garantie de régularisation. Quant à la communauté de La Halte Saint-Jean à Saint-André-lez-Lille, elle ne fait même pas partie de ce dispositif, ce qui rend d’autant plus difficile l’accès à la régularisation.

Durcissant une nouvelle fois les conditions d’accès à la citoyenneté, la nouvelle loi sur l’immigration portée par Darmanin, qui sera examinée par le Sénat le 6 novembre, criminalise toujours plus les sans-papiers et s’enfonce dans l’ignominie de l’amalgame raciste entre exilé·es et terroristes. Le cabinet de la Première ministre a d’ailleurs laissé fuiter, pour donner des gages à la droite et à l’extrême droite, qu’elle envisageait de renoncer à la création d’un titre de séjour de plein droit qui leur aurait été destiné.

Cela va encore faciliter l’exploitation à bas coût des travailleur·ses sans papier, comme par exemple celles et ceux que l’État et les sociétés privées font trimer sans contrat ni droits sur les chantiers des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP). En octobre dernier, une centaine de ces ouvrier·es se sont mis·es en grève et ont obtenu la régularisation de toutes les personnes sans-papiers employées par les entreprises concernées. Pour autant, plusieurs centaines de personnes rien que sur les chantiers des JOP ne sont toujours pas régularisées. En effet, les sociétés cherchent par tous les moyens légaux et illégaux à répondre aux attentes de l’État en livrant les chantiers à temps, et ce sont les travailleur·ses sans-papiers, pris·es en otage par l’enjeu politique et économique des JOP, qui en paient le prix.

Les travailleur·ses sans-papiers paient aussi le prix de l’atmosphère rance qui pèse sur le pays et des terribles avancées que fait l’extrême droite dans le paysage médiatique. Quand les compagnes et les compagnons d’Emmaüs dénoncent leur exploitation et demandent des droits, Le Journal du dimanche, racheté par le milliardaire ultraconservateur Vincent Bolloré, titre : « Emmaüs, victime collatérale de l’immigration illégale ». Si Emmaüs et l’esprit de solidarité que ce nom doit symboliser sont victimes de quoi que ce soit, c’est bien de l’exploitation raciste et capitaliste qui permet à la direction de s’en mettre plein les poches2 pendant que les compagnes et compagnons sans-papiers sont privé·es des droits humains les plus élémentaires.

Il est donc primordial de lutter contre cette nouvelle loi Immigration, qui, loin de faire l’équilibre comme le prétend le gouvernement, ne va faire que servir des intérêts idéologiques et économiques racistes. La grève d’Emmaüs, comme celle des ouvrier·es des JOP, doit être notre boussole politique. Exploitation raciste, exploitation capitaliste : non à la double peine, soutien aux grévistes, et régularisation de tou·tes les sans-papiers !

1. La grève de Tourcoing est suspendue depuis le 6 octobre.

2. Pendant ce temps, dans le Doubs, le président de la communauté d’Ornans a reconnu avoir détourné de l’argent d’Emmaüs : 460 000 €, qui ont notamment servi à lui payer deux Porsche et des voyages à l’étranger.

Laisser un commentaire