Contrôle des vêtements et islamophobie d’Etat
La nouvelle proposition de loi islamophobe et misogyne du groupe Renaissance portée par Gabriel Attal concernant l’interdiction du port du voile dans l’espace public aux mineures de moins de 15 ans s’inscrit dans la continuité des mesures et propos d’un gouvernement encourageant la domination des adultes sur les enfant·es.
Les corps des jeunes filles font régulièrement l’objet de débats et de législations. En septembre 2020, Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Education nationale, s’offusquait de la tenue « non-républicaine » de jeunes filles ayant eu l’indécence de se vêtir d’un cropped top. Il s’inscrivait ainsi directement dans la ligne de nombreux établissement qui, poliçant la tenue de leurs élèves, font des corps des jeunes filles mineures des objets sexualisés.
Et quand les jeunes filles ne peuvent pas être accusées de n’être pas assez vêtues, on les accuse de l’être trop : à la rentrée 2023, c’est Gabriel Attal qui porte l’interdiction du port de l’abaya dans les établissements scolaires. On observe une nette progression des lois et réglementations sur la façons de s’habiller des jeunes filles et plus particulièrement des jeunes filles musulmanes depuis l’interdiction du port du voile au sein des écoles en 2004.
Une conception autoritaire de l’éducation
La recrudescence des discours sur l’uniforme et son « test » depuis la rentrée dernière dans plusieurs établissements scolaires est aussi symptomatique de la domination exercée par le système scolaire sur les enfant·es. Il en va de même pour le SNU qui n’est qu’une manière supplémentaire de diriger et de disposer des adolescent·es avec une porte grande ouverte à l’endoctrinement.
Gabriel Attal disait un an auparavant : « tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ». Son discours de politique générale adressé à l’Assemblée national affirmait sa volonté de remettre l’autorité adulte et le respect de celle-ci au centre des questions éducatives.
Il est manifeste que le gouvernement encourage les dérives autoritaires du système scolaire français et qu’il abreuve l’opinion publique de discours dangereux en ce qui concerne l’éducation de la jeunesse.
Un ministre complice sur des décennies
Il y a une semaine, c’est le Premier ministre français, François Bayrou, qui était auditionné sur l’affaire dite de Bétharram, au cours de laquelle 112 plaintes ont été déposées pour violences sexuelles, physiques et psychologiques sur des enfant·es scolarisé·es dans l’établissement.
Alerté dans les années 1990 alors qu’il était ministre de l’Education nationale, il défend l’institution et déclare même y avoir scolarisé ses enfants.
Le système de l’inceste est central dans les violences perpétrées à Bétharram. Les enseignant·es ont pu violenter psychologiquement et physiquement des élèves tandis que les adultes détournaient le regard.
Cela va de pair avec une conception du corps infantile qui voudrait qu’il appartienne à ses parents, qui de fait seraient les seuls en mesure de déterminer l’acceptabilité des violences qu’il subit. L’injonction au silence faite aux victimes se téléscope avec les yeux fermés des adultes qui les côtoient. Le système bien rodé de la domination adulte passe par l’outil de la silenciation mais aussi par celui de l’invisibilisation des mineur·es.
En 2002, François Bayrou giflait un enfant sous les objectifs des caméras. Il dira s’être conduit « en père de famille ». En justifiant son acte ainsi, le Premier ministre affirmait que les parents, et par extension tous les adultes, disposent librement du corps des enfant·es. Aujourd’hui il dit souhaiter lutter contre la délinquance des mineur·es : c’est encore une fois un moyen d’appuyer l’exercice de l’autorité adulte sur ceux-là.
Renforcer l’idée que les enfant·es doivent être discipliné·es, notamment par des démarches punitives et violentes, est un des rouages clefs de l’adultisme.
L’Etat français indifférent au sort des enfant·es
La CIVIISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) a déposé fin 2023 son rapport avec des conclusions alarmantes sur la question des crimes d’inceste en France. Elle y joignait 82 recommandations pour lutter contre les violences, principalement sexuelles. L’Etat a délibérément décidé de fermer les yeux et d’enterrer le travail de la commission en écartant le juge Edouard Durand de la présidence. Sa place avait alors été donnée à la psychiatre Caroline Rey-Salmon, qui démissionnait trois mois plus tard, accusée d’agression sexuelle sur mineur·e dans l’exercice de son métier.
Les enfant·es de l’ASE (aide sociale à l’enfance) sont les premières victimes de ce système de domination, dans leur famille, par la justice et le système social français, dans les foyers d’accueil. On observe chez les mineur·es de l’ASE des chiffres particulièrement élevés sur les suicides et l’emprise de réseaux de proxénétisme pédocriminel. Et enfin, aux 18 ans l’abandon et la mise à la rue sèche par l’Etat. Les ancien·nes enfant·es placé·es représentent 25% des sans-abris en France.
L’Etat français se targue de protéger les enfant·es ; en réalité, il fait perdurer et fortifie même les discriminations, les violences, les crimes perpétrés à l’encontre de ceux-là. Preuve en est la mise à la rue honteuse et violente des mineur·es isolé·es de la Gaîté Lyrique en mars dernier. Leur expulsion est l’œuvre d’un gouvernement raciste et adultiste.
La question des enfant·es doit être centrale dans nos luttes
Il est indispensable que le mouvement féministe s’empare de ce sujet, puisque la domination des corps infantiles découle du patriarcat et du capitalisme. L’Etat use des discours soit disant féministes et de protection de l’enfance pour faire adhérer à des projets de lois racistes, islamophobes, transphobes et adultistes. Il est temps d’y mettre un terme et de s’y opposer collectivement.
Ce samedi 24 mai, nous serons dans la rue pour manifester contre la domination adulte et pour les droits des enfant·es.